Carnet de voyage n°5 (écrit par Florian)
Le sable et la petite flamme
“Seul celui qui a emprunté la route connaît la profondeur des trous".
Ce n'est pas de moi, mais c'est un proverbe chinois qu'une amie journaliste chez Alpes Magazine m'a habillement soufflé. Loin de moi l'idée de remettre en cause la qualité de routes chinoises, qui sont très largement irréprochables, cette phrase pouvant être comprise de biens d'autres façons.
Au fond du trou, je l'ai été plus d'une fois durant une première quinzaine chinoise qui m'en aura fait voir de toutes les couleurs. Désappointé par les densités de population urbaine, couché par une alimentation dépaysante, stressé par le retour en zone désertique, désorienté par un vent changeant en permanence, esseulé dans l'austérité du Nord du Taklamakan, chahuté par les orages, envahi de toutes parts par le sable, attaqué par des hordes de moustiques, privé de recharge solaire, perdu dans mon rapport aux populations locales.
Un panneau signalétique chinois
Après bientôt 3 mois de voyage, certainement un peu émoussé par 7500 km de route, j'ai eu comme la sensation de devoir appuyer sur la touche "Reset". Tout ce que j'avais assimilé jusqu'à là, que ce soit en terme de langage, d'aptitude à entrer en connexion avec les gens, de compréhension de l'ambiance, des éléments, etc..., il fallait le réviser en arrivant dans ce monde à part entière qu'est la Chine.
Vous me direz que c'est l'essence même du voyage que d'aller au devant de civilisations et de cultures nouvelles, et cela ne fait pas de doute. Mais cette quête peut parfois demander une débauche d'énergie très importante, de sorte que sur mes premiers tours de roues les abords de la mer de Chine ont pu me paraître encore plus loin qu'ils ne le sont déjà !
Une station service en Chine (pour l'échelle, se référer à la remorque d camion citerne en bas à gauche !)
De Kasghar, à l'Est du désert du Taklamakan, jusqu'à Korla, à l'Ouest, un peu plus de 1000 km du route plane et rectiligne, dans un décor ne changeant quasiment jamais, balayé par les vents et étouffé par un sable omniprésent. A droite les premiers contreforts du massif du Tian Shan, à gauche le début du vide, un vide de 337 000 km² (soit presque les deux tiers du territoire français). Entre les deux, une fine ligne de vie, isolée de tout et composée de la route 314, d'une voie ferrée et de quelques villes plus ou moins modernes, tous les 100 à 300 kilomètres.
Rien de vraiment très passionnant, mais au bénéfice d'un très bon réseau routier (que les chinois veulent encore améliorer) et de points de ravitaillement assez réguliers, les choses ont toutefois été bien moins dures qu'au Kazakhstan. Si seulement l'atmosphère pouvait être moins ensablée, ça serait par contre pas un mal.
Des échanges délicats
Ce qui reste en fait le plus délicat, c'est la rencontre et l'échange avec les gens. Ma non maîtrise de la langue est un vrai problème en ce sens. Je ne sais quasiment rien dire et ne comprends presque aucun mot quand on me parle. C'est assez effrayant et plus d'une fois je me suis trouvé bien nul. Pour exemple, un soir dans un restaurant, j'ai mis 15 minutes pour expliquer que j'étais...français (il faut aussi dire que mon interlocuteur n'avait pas trop l'air de nous remettre, comme on dit...). Au delà des mots, j'ai par ailleurs croisé quelques âmes peu éclairées, qui par le rejet ou la méprise m'ont laissé un goût amère de certaines zones traversées. Si j'avais eu la possibilité de leur dire quelques mots de manière intelligible, les choses auraient-elles pris une autre tournure ? Je ne sais pas.
Un bel accueil chinois
Mais ces cas isolés ne me font pas oublier le bel accueil que je reçois de la par des chinois. Je dis je, mais je devrais dire nous car mon vélo me vole bien souvent la vedette. Comme partout il attire les regards et ameute les curieux, sauf qu'ici ça peut vite prendre des proportions ingérables. J'ai ainsi dû apprendre à toujours évoluer sous les regards, du matin au soir, et même parfois sur la route car certaines motos ou voitures n'hésitent pas à ralentir sur plusieurs kilomètres pour... me regarder rouler.
Très intéressant, j'ai également pris beaucoup de plaisir à observer comment ils m'observaient, enfin surtout comment ils observaient le vélo. Changement assez radical par rapport à ce que j'avais vécu en Ex-URSS, les chinois saisissent très rapidement de quoi il retourne et comment ce grand attelage fonctionne. Ici pas besoin d'expliquer et les questions sont rares. Les gens s'approchent du vélo, souvent le tâtent, puis se mettent à parler entre eux du mode de fonctionnement électro-solaire. Etant très habitués à user de scooters ou vélos électriques (surtout dans les villes), et connaissant les bienfaits de l'énergie solaire (plus généralement utilisée comme chauffe-eau sur les toits des maisons et immeubles), j'ai l'impression que les chinois appréhendent mon vélo d'avantage comme quelque chose d'astucieux que comme une chose totalement innovante. La multitude de pouces levés vers le haut ou de signes de respect que je reçois tendraient à le prouver.
Vu de mon côté, et ce n'est là qu'un modeste ressenti, à les regarder j'ai souvent l'impression qu'ils se disent "ah tient, on y avait pas pensé !". Certains que ça sera vite réparé.
Vous l'aurez compris, une fois de plus, même si c'est de manière un peu différente, c'est le rapport à l'humain qui me permet de garder en moi cette petite flamme du voyage. Si parfois elle frémit, si bien souvent elle pourrait être remise en question par une bourrasque de vent ou un trop plein de sable, elle est toujours là.
Un nouvel itinéraire
Et c'est pour lui redonner un peu de vigueur, que j'ai pris une décision qui va marquer de son empreinte la suite du périple. Depuis trois mois je m'efforce de suivre l'itinéraire que j'avais imaginé avant le départ. Il m'a réservé quelques belles surprises et quelques grandes déceptions, mais surtout j'en ai tiré un enseignement important au fil des kilomètres : il laisse trop de place au désert et à la platitude. C'était ma volonté de tirer au plus court et au plus plat, pour atteindre au plus vite le Japon, mais aujourd'hui je remets en cause ce schéma, qui a atteint ses limites. Après le Taklamakan devrait encore m'attendre le désert de Gobi, que je voulais longer par son sud jusqu'aux abords de Pékin. C'était la ligne la plus directe, je vais m'en écarter.
De la Chine j'ai envie de découvrir autre chose que des lignes droites bordées de poussière, et ainsi ma route prendra sous peu la direction du centre du pays, puis de Shanghai et son Exposition Universelle !
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