Avant d'arriver dans ces lieux reculés, j'avais imaginé deux titres pour ce nouveau carnet de voyage. "L'extase electrico-solaire", dans le cas où je puis survoler les steppes comme un aigle Kazakhs, et "L'enfer des steppes", dans le cas où l'affaire tourne mal.
La réalité, comme bien souvent, a été moins simpliste, avec des hautes et des bas, des surprises, des imprévus, des difficultés, l'aventure à la Kazakhe en somme.
Dès les 600 premiers kilomètres de steppes me menant à Atyrau, en Asie, je me suis trouvé en difficulté. En difficulté à cause d'un fort vent de côté qui m'a usé chaque jour un peu plus. En difficulté en ne retrouvant pas sur ces routes l'euphorie qui m'avait porté en 2006, quand je passais par là en direction de la Chine.
J'avais gardé de ces terres l'image d'un petit "Far Est" du voyage en vélo, avec sa frontière à franchir sur un bac archaïque, avec ses chevaux déployant leur liberté sur des steppes lumineuses et sauvages. J'avais gardé de ces terres, le souvenir de l'euphorie d'un jeune garçon de 23 ans, découvrant le monde.
Mais depuis 4 ans, cette petite route est devenue un vrai axe d'échange international, les camions sont maintenant légions et moi je n'ai pas trouvé mes marques. Bref, mon entrée au Kazakhstan a raisonné dans ma tête comme un souvenir déçu.
Pour ne rien arranger, je connaissais dans le même temps mon premier sérieux problème de santé, avec un mal de dos me provoquant de brèves mais répétées pertes de sensibilité dans les bras. Une situation me forçant à faire une pause rallongée à Atyrau, quitte à prendre du retard, le temps de me faire masser et surtout de trouver les médicaments adaptés pour détendre un dos contracté sur tout sa longueur.
Analyse faite du problème, je pense que j'ai ici subi les conséquences de ma fracture de la clavicule. Opéré un mois avant le départ, j'étais parti avec des muscles encore contractés dans l'épaule et dans la nuque. Un mal qui s'est propagé petit à petit sur tous les muscles de la colonne, jusqu'à provoquer ces mauvaises sensations dans les bras. Les conditions météorologiques extrêmes des steppes (jamais en sous les 40° sur le guidon...) ayant dues jouer le rôle de déclencheur.
Une fois à peu près remis, je me lançais alors, le couteau entre les dents, dans la partie la plus dure du périple, avec quelques 1000 km de steppes non asphaltées. Je le dis tout de suite, ça a été terrible, physiquement, moralement et mécaniquement parlant.
Je m'étais peut être fait trop d'illusions sur ces terres décharnées, mais j'avais tellement envie de m'y confronter. Assez vite cependant, les pierres et le sable ayant remplacé l'asphalte, je me rend compte de la difficulté de la chose, sur des pistes dans un état à peine imaginable.
D'un seul coup je me retrouve quasi arrêté, en évoluant difficilement entre 12 et 16 km/h maximum. De surcroît je ne peux qu'utiliser le moteur qu'avec parcimonie car prendre trop de vitesse s'avère être beaucoup trop dangereux. N'ayant franchement pas envie de prendre le risque de retomber sur ma clavicule encore clouée, je me retrouve donc à devoir tirer à la jambe, un vélo lourd et peu maniable. Pas l'idéal, et je fais très vite le constat que le vélo électrique solaire, tel qu'imaginé pour ce périple, est peu adapté à la pratique de la mauvaise piste. Heureusement, cette portion non asphaltée était (presque) la seule du périple.
Dans un univers aussi aride que vide, où la solitude vient par ailleurs me frapper, dans tous les sens et sans concession, je réalise que c'était peut être une erreur de vouloir absolument passer par là. Le vélo n'y résisterait certainement pas, et j'en sortirai à coup sûr totalement lessivé. Du coup je prend assez vite la décision de ne faire que les 500 premiers kilomètres en vélo, avant de sauter la deuxième partie (annoncée encore plus dure) en montant dans un train.
Mais deux jours plus tard, la mécanique lâche. La roue libre du pédalier se défait et en 10 km il me devient totalement impossible d'utiliser le moteur. Je me retrouve planté au milieu de la steppe, comme redouté.
Par téléphone, mes équipiers me disent que ça doit être réparable, mais je n'arrive pas à rattraper le coup et dans cette zone désertique, où l'eau courante est inexistante dans les villages, je ne trouve pas de quoi bricoler la casse. J'irai donc réparer plus loin, une fois que je me serai tiré de là !
Ca m'a pris trois jours pour m'en sortir, le temps de trouver un premier train, de marchandises (une sorte de ferroutage des steppes totalement détonant !), qui me porta sur une centaine de kilomètres jusqu'à une ville carrefour et ensuite de prendre un deuxième train, qui en une nuit me porta vers les grandes villes sud ouest du pays. Petite précision, mon vélo devant lui prendre un train 4 heures plus tard (possédant un wagon bagages, mais n'ayant plus de place passager), nous passâmes alors notre premier nuit séparés, presque deux mois déjà que nous nous n'étions pas quittés ! Le lendemain, je serai content de le retrouver, pas plus amoché qu'il ne l'était déjà.
Une vraie petite aventure dans l'aventure que j'aurai l'occasion de raconter plus en détails dans le livre "Sur la Route du Soleil Levant", dont la sortie est prévue pour ma participation au Grand Bivouac d'Albertville, à la fin octobre.
Restait a réparer le vélo avant de pouvoir réutiliser mon moteur, et c'est dans le premier vrai bazar d'Asie centrale que je croiserai, à Qysilorda, que je trouverai la solution. A peine engouffré dans les petites allés, qui caractérisent ces temples du commerce, qu'évidemment j'étais déjà entouré par les curieux, puis par les bonnes volontés, pour ainsi me faire porter devant l'échoppe d'un réparateur de vélo, aux allures d'Iman (il faut ici que je précise que l'Islam est la religion largement majoritaire dans le pays). Je dis vélo, mais entre mon vélo prototype et les vélos qui étaient ici habituellement réparés, je peux vous dire qu'il y avait un monde d'écart. Peu importe c'était pour moi la seule vraie solution trouvée en 3 jours, et il fallait que je reprenne mon rythme soutenu rapidement.
Pendant une bonne heure, j'ai bien cru qu'on y arriverait pas, et que, pire, cet arrêt au stand allait être préjudiciable pour le vélo (ceci notamment quand ils ont sorti les marteau pour faire sauter les manivelles des pédales, ou encore quand en bricolant les roulements de la roue libre toutes les billes se sont retrouvées par terre, dans la poussière, ou encore quand pour remplacer les billes perdues ils se sont acharnés sur une vieilles cassettes de pignons pour en extraire quelqu'unes...), mais finalement au bout de 2 heures, mon pédalier était remis en place, tout le monde était content, ca avait été un beau spectacle, et je pouvais de nouveau brancher le moteur !
L'aventure continue.
Où je suis
Turkistan, dans le sud du Kazakhstan, une petite ville bouillonnante, accueillant le Mausolée Hodja Ahmad Yasawi, inscrit au Patrimoine Mondial de l UNESCO.
Une belle petite merveille qui rappelle l'ambiance des grandes citées d'Ouzbékistan, Taskent, Samarkand, etc... distantes de quelques centaines de kilomètres seulement.
Turkistan, marque un peu la fin des steppes arides et le début de l'abondance du sud du pays, tant mieux ! Sur ma route en direction de Bichkek, au Kirghizistan, je pourrai ainsi profiter pleinement des merveilleuses pastèques, des brochettes de chachliks et autres galettes de pain Kazakhes.
Une fois Bichkek passée, sera venu le moment de la partie montagneuse du periple, avec le passage au travers du massif du Tian Shan, pour redescendre de l autre cote, en Chine. Mais ca c'est une autre histoire.