Contre la haine et l’enfer de la guerre, un seul mot d’ordre : musique ! Ce mot lâché avec sérieux aurait pu tomber à l’eau, or il tombe à pic dans le contexte plus que tendu du conflit israélo-palestinien. Un homme relève le défi : contrer la fatalité des vendettas, éradiquer les foyers de violence. Réapprendre à vivre ensemble, en harmonie.
Le chef israélien Daniel Barenboim avec l’intellectuel palestinien Edward Saïd, composent un duo exemplaire destiné à rompre la guerre entre frères ennemis.
Pour se faire, est né l’orchestre des jeunes musiciens originaires des deux camps : le West-Eastern Divan Orchestra.
Weimar, 1999. Dans le ville de Goethe, première session d’orchestre : une phalange composée de 80 musiciens isréaliens et palestiniens, de 13 à 26 ans. Jouer ensemble, apprendre à suivre une partition en frères d’esprit et de cœur. Le symbole est fort et son enjeu de taille. Et si la musique pouvait indiquer une nouvelle issue ?
Après Weimar, Séville acueille en 2002 le mois de répétition qui prélude à la tournée en Europe mais aussi dans les pays originaires des instrumentistes : Proche-Orient, Espagne.
L’Espagne en particulier le gouvernement autonome d’Andalousie veut apporter sa contribution pour la reconnaissance de l’apport culturel que Juifs et Arabes ont prodigué au prestige culturel et à l'économie du pays. Phalange symbole d’une musique de réconciliation et pacificatrice, mais aussi tremplin école pour de jeunes instrumentistes désireux d’intégrer les orchestres. Certains ont déjà rejoint les ensembles professionnels comme membres permanents. Le projet est aussi un moyen de professionnalisation.
2005, concert à Ramallah en Palestine. Nouvelle étape : le symbole pacificateur du Divan orchestra prend tout son sens. Au programme, symphonie de Symphonie concertante de Mozart et 5ème Symphonie de Beethoven. Barenboim pose sa baguette et explique aux journalistes le message qui est le sien : atténuer la haine. Donner en héritage aux générations pacifiées, un monde plus humain, pacifié. Il crée un jardin musical pour enfants afin d’encourager et repérer les vocations musicales précoces.
En terre palestinienne, le chef israélien donne la mesure d’une action résolument combattante… pour la paix. Pourquoi jouer Beethoven ? Parce qu’il parle de la condition humaine, une condition fragile.
Eté 2006, nouveau chapitre d’un projet qui se construit pas à pas tant les obstacles sont nombreux. Arte, associé au projet déjà l’an dernier où la chaîne culturelle diffusait le concert de Ramallah, retransmet cet été, en direct, le concert programmé depuis l’Egypte. Le désir de concilier les haines ancestrales par la musique est digne d’admiration mais Barenboim va plus loin encore. C’est la place de la musique et sa perception qui est en jeu : une musique professionnelle certes mais vivante et engagée, voilà qui change des salles de concerts et des conditions classiques de son audition. Voilà un défi d’envergure pour la musique du XXIème siècle. Son seul et véritable défi, en définitive.
Delphine Raph
classiquenews, 27 juin 2006
Concert exceptionnel dans des circonstances exceptionnelles : à ne pas manquer !