Maria Callas, la divine - 1
16 septembre 2007, trentième anniversaire de sa mort
Maria Callas (1923-1977)
1 – CALLAS et NORMA
30 novembre 1948. Le Teatro Comunale de Florence accueille Maria Callas pour ses débuts dans Norma de Vincenzo Bellini. Au pupitre, son maître Tullio Serafin, qui, après Elvira de Hidalgo, avait peaufiné sa technique, et l’avait préparée pour ce rôle périlleux qui deviendra son rôle fétiche.
Tullio Serafin (1878-1968)
Pour la première fois, celle qui allait révolutionner le bel canto romantique et lui restituer ses lettres de noblesse, abordait sa véritable tessiture de coloratura dramatique.
L’Italie, qui ne la connaissait que par Turandot, Isolde, et Aïda, et qui allait la découvrir l’année suivante dans les rôles de Kundry et Brünnhilde, ne s’était jamais rendu compte, en dehors de ses deux professeurs (Serafin et Hidalgo), de ses véritables moyens vocaux. Tout le monde avait été trompé par l’extraordinaire puissance de sa voix aux possibilités illimitées dans l’aigu, et par cette couleur sombre et tragique qu’elle déployait pour les héroïnes de Verdi, Puccini et Wagner.
Le soir de cette première mémorable, Callas montre qu’elle sait aussi vocaliser. Et, deux mois plus tard, en remplaçant Margherita Carioso dans I Puritani à la Fenice de Venise – entre deux représentations de la Walkyrie où elle chantait Brünnhilde – elle prouvera qu’elle sait, en plus, vocaliser dans la légèreté, jusqu’au contre-mi.
Le bel canto trouva alors une nouvelle naissance, que la cantatrice saura transfigurer successivement avec Armida de Rossini, Sonnambula et Pirata de Bellini, Anna Bolena, Lucia et Poliuto de Donizetti. Les habitudes changèrent ; Norma était chantée traditionnellement par les grands sopranos dramatiques, comme Lilli Lehmann, Rosa Ponselle ou Gina Cigna ; les autres rôles restaient la propriété des coloraturas aigus qui avaient, tout simplement, trahi l’essence de la musique. Seule Norma était restée une figure tragique et Callas su d’emblée entrer dans ce rôle imposant, comme « La Norma » de sa génération, et, sans aucun doute, l’une des plus grandes de tous les temps.
Maria Callas dans Norma (Paris 1965)
Son partenaire de cette fameuse soirée de 1948, le ténor Mirto Picchi, fut stupéfait et bouleversé. Il écrivit dans ses mémoires : « Le succès fut extraordinaire. Jamais on avait entendu une Norma aussi parfaite et jamais on aurait pensé que cela aurait pu se produire un jour. Le public et la critique furent à la fois enthousiasmés et choqués. Enthousiasmés car ils trouvèrent la performance inouïe, choqués car malgré tout, ils n’étaient pas habitués à ce chant si nouveau et révolutionnaire. De nos jours, si une pareille performance se présentait, elle aurait tous les théâtres et les maisons de disques à ses pieds. A l’époque, les choses étaient plus lentes et Callas du attendre encore quelques années avant d’être élevée au rang de « Divine ».
Maria Callas et Mirto Picchi dans Norma (Paris 1952)
La supériorité de Callas, c’est sa voix de grand soprano coloratura dramatique, sombre, pliée à toutes les exigences du bel canto. Si elle a été l’éblouissante interprète des plus grands rôles tragiques du XVIIIéme siècle, elle fit de Norma « son » rôle jusqu’à l’épuisement de ses dernières forces.
Après ses débuts florentins de 1948, elle chantera Norma a Buenos Aires (1949), Catane, Rome et Mexico (1950), Palerme, Sâo Paulo et Rio de Janerio (1951), la Scala de Milan, Londres(1952), Rome, Trieste et Londres (1953).
En 1954, elle l’enregistre enfin pour EMI, sous la direction de son maître Tullio Serafin, enregistrement qui restera la référence absolue. En 1955, après un concert à la RAI, elle ouvre la saison de la Scala de Milan. En 1956, elle se produit pour la première fois au Metropolitan Opera de New-York. En 1957, Londres l’accueille à nouveau. Le succès est si considérable qu’elle devra bisser avec sa partenaire, le duo « Mira, o Norma », phénomène qui ne s’était pas produit dans cette ville depuis plus de vingt-cinq ans.
En 1958, elle ouvre la saison de l’Opéra de Rome, toujours avec Norma, mais terrassée par une mauvaise grippe, elle jette l’éponge après le premier acte. Le scandale est national et alimente copieusement la une des journaux du monde entier.
Maria Callas quitte la scène à la fin du premier acte de Norma (Rome 1958)
En 1960, elle reprend le rôle au Théâtre antique d’Epidaure et l’enregistre une seconde fois pour EMI. En 1964, elle chante enfin à l’Opéra de Paris. Les huit représentations connaîtront un climat d’excitation frénétique et morbide : Maria Callas entrait vivante dans la légende, et son mythe secoua avec violence les milieux musicaux français. En 1965, de retour à Paris pour cinq soirées, elle abandonnera la dernière représentation au premier tableau du deuxième acte. C’était le 29 mai. Plus jamais elle ne chantera Norma. Une seule fois, elle apparaîtra à Londres, sur la scène du Covent Garden, le 5 juillet 1965, pour une ultime représentation de Tosca.
Sa carrière sans Norma, elle ne pouvait même pas la concevoir. Pendant dix-huit ans, Norma l’a consumée, et sans Norma, Callas perdait toutes ses raisons de chanter. Norma et Callas ont été la rencontre unique et sublime entre une interprète de génie et un rôle, symbiose unique et inouïe d’une âme et d’une musique.
Bellini, Norma, Serafin, Callas…, enregistrement de référence
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