Maria Callas, la divine - 3
16 septembre 2007, trentième anniversaire de sa mort
Maria Callas (1923-1977)
3– CALLAS et Tosca
Tosca fut le premier rôle à révéler Maria Callas sur scène, celle de l’opéra d’Athènes. C’était en 1942, et le début d’une (co)habitation, hors du commun, avec un personnage qui lui ressemblait à s’y méprendre. Tosca a habité Callas jusqu’à sa dernière performance, Convent Garden en 1965.
Au fameux air du 2ème acte, Tosca révèle ainsi la femme que fut Callas : « Vissi d’amore, vissi d’arte… », « J’ai vécu d’art et d’amour… », paroles qui résument impitoyablement la vie de la diva, qui se fondra en permanence dans ses deux rôles fétiches, Norma et Tosca, en en oubliant sa propre existence.
En Tosca, Maria Callas rencontre son propre moi, et découvre, en assassinant Scarpia, toujours au 2ème acte, qu’elle doit tuer l’amour déraisonnable, qu’elle voue à Onassis. Elle eut un enfant d’Onassis, mort-né le 30 mars 1960. Peu à peu, elle sombrera jusqu’à la dernière épreuve, la plus accablante, l’annonce du mariage d’Onassis avec… Jackie Kennedy. Désormais, c’est sur la scène qu’elle jouera sa vie , et dévoilera au public médusé, la femme fragile et passionnée, qu’elle avait jalousement cachée. Son destin de femme et d’artiste intimement mêlées et vécues distinctement, fera vaciller Callas, dans une dualité schizophrénique. Sa vie se terminera dans l’échec et la tragédie.
Tosca (Maria Callas) et Scarpia (Tito Gobbi), acte II, Covent Garden, Londres, 1964
C’est son premier enregistrement, en 1953, avec Victor de Sabata à la tête de l’Orchestre de la Scala de Milan, entourés de Guiseppe di Stefano (Cavaradossi), Tito Gobbi (Scarpia), enregistrement insurpassé de nos jours, qui marquera définitivement son personnage.
En 1964, elle reprendra le rôle, dans un nouveau et dernier coffret, cette fois–ci avec son chef français préféré et ami, Georges Prêtre, à la tête de l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, Carlo Bergonzi (Cavaradossi) et puis, une fois encore, le plus grand Scarpia de tous les temps : Titto Gobbi. C’est à Paris, salle Wagram, sous l’œil bienveillant de son producteur Michel Glotz, que l’enregistrement aura lieu, à la suite de celui de Carmen. Tout ne sera pas facile. Les artistes ne disposeront que de quatorze jours pour boucler leur contrat, alors qu’une grève générale s’annonçait, et que l’on savait que Georges Prêtre arriverait de New-York quelques minutes avant la première répétition, que Tito Gobbi ferait le va et vient entre Paris et Chicago pour chanter Scarpia avec Régine Crespin, et que Bergonzi ferait de même entre la France et l’Italie. Seule Callas aura été l’étoile non filante de la troupe. Elle sera fidèle à son engagement jusqu’au bout, et fera l’admiration de tous, par sa constance, son intégrité et son professionnalisme.
Enregistrement 1964, Carlo Bergonzi, Maria Callas, Tito Gobbi, Ugo Trama
Malgré les nombreuses embûches, dues à ces inconvénients et aux nombreuses pertes de temps, le miracle se produisit. Après tous ces palabres, ces boutades et ces tergiversations qui semblaient annoncer un gâchis, fit place un merveilleux silence, dans une extrême concentration. Chaque scène se déroula, pratiquement sans un seul arrêt. Rien ne viendra altérer le rêve que caresse tout producteur de disques : enregistrer une scène périlleuse et capitale, sans un « collant ». Callas a été superbe. Son chant profond venant de loin, de plus loin que le cœur, surgissait des abîmes de l’inconscient. Sa voix charnelle et déchirante s’élançait puis soudain s’assombrissait. C’était tout simplement magique.
Au moment où Bergonzi chanta seul : « Quale occhio al mondo puo star di paro… », Callas s’effondra et se prit la tête entre ses mains : « Oh ! Mais quelle voix il a ce Carlo !… Ça ne devrait pas être permis des voix comme cela ! ». C’est cela l’insatisfaction de l’artiste, ne pas s’enchanter de ce qu’il fait, mais de se comparer tristement à ce qu’il aurait voulu faire.
Enregistrement 1964, Georges Prêtre, … ?, Tito Gobbi, Maria Callas, Carlo Bergonzi, Jean Laforge
Après « Vissi d’Arte… » Georges Prêtre, ému jusqu’aux larmes, raconta : « Comment vous expliquer ? Il n’y a pas de mots… Elle a chanté l’air six fois de suite, à titre de sécurité ou pour tenter de se dépasser elle-même. Chacune des versions, étaient aussi belles les unes que les autres. J’ai conduit tout cela comme en rêve, engourdi de bonheur. C’est un signe qui ne trompe pas. Cette femme chante mieux que tout ce qui chante. Et surtout, autrement… Je renonce à discuter avec ses détracteurs, parce que j’ai l’impression que nous ne discutons pas autour de la même personne. Ils me parlent technique et moi, je suis avec la foule qui pense… ».