Cher Monsieur Bertinotti,
J’ai bien reçu votre invitation pour la cérémonie vous remettant les insignes de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres. Je me suis donc empressé d’annoncer cette promotion amplement méritée sur le site internet « Chambé-aix », dont je suis responsable de la rubrique « Musique classique ».
Par contre, n’ayant aucune considération pour les convenances de société, et, éprouvant une aversion totale envers certaines personnes que j’aurais obligatoirement rencontrées à cette occasion, je n’ai pas répondu à votre aimable invitation et n’ai pas assisté à cette cérémonie.
Vous me connaissez depuis longtemps, depuis mon arrivée à Aix-les-Bains à la direction du Conservatoire de Musique le 1er septembre 1969, et vous avez été, en quelque sorte, mon troisième patron, simultanément avec le maire de l’époque et l’adjoint aux Affaires Culturelles, le regretté Docteur Philippe Deslous-Paoli, puisque vous étiez Président du Conseil d’Administration du tout nouveau Conservatoire dont vous veniez d’obtenir la municipalisation.
Le jeune directeur que j’étais (24 ans et 6 mois) eut la chance de vous rencontrer dès le premier jour et de recevoir de votre part, non seulement les informations relatives au fonctionnement de l’établissement de l’époque, mais aussi votre infaillible soutien en faveur des différentes actions pédagogiques et culturelles que je souhaitais entreprendre. Jusqu’à votre départ, vous avez été pour moi un conseillé avisé, tenace et clairvoyant, modérant avec justesse mes envolées souvent passionnelles, assurant ainsi le lien indispensable avec le premier magistrat de la ville, ceci bien sûr, avec l’aide complice et précieuse de l’adjoint aux Affaires Culturelles, homme ouvert, cultivé, volontaire et passionné, dont l’intelligence a permis de s’opposer sans concession aux nombreuses oppositions qui se sont liées contre ce qui allait devenir un lieu culturel de grande envergure.
Nos chemins se sont souvent séparés, mais pour mieux se retrouver régulièrement sur l’essentiel : la musique, cette musique que nous aimons, celle dont les valeurs sont inéluctables et sans concessions, celle qui ne souffre pas la médiocrité.
Nos deux années de travail commun ont permis de bouleverser les habitudes musicales et culturelles aixoises. Le Conservatoire est passé en deux ans d’une cinquantaine d’élèves à plus de deux cents, puis plus tard à neuf cents environ, tout en obtenant l’agrément du Ministère de la Culture pour l’efficacité de son enseignement ; de cinq à six professeurs vacataires, l’établissement est passé en quelques années à vingt-sept ou vingt-huit professeurs titulaires à temps complet, fait unique dans l’histoire des écoles de musique de cette importance ; sur cette lancée, la « Société des Concerts du Conservatoire », présidée par Madame Monique Grosse, puis rapidement par Madame Colette Deslous-Paoli, est passée d’une vingtaine de spectateurs à plus de neuf cents adhérents, à raison d’un concert par mois pendant quinze ans où elle a offert aux aixois des concerts d’une richesse incomparable grâce aux oeuvres programmées et aux interprètes d’un niveau exceptionnel. C’était une époque lointaine où la culture avait un sens et était respectée.
Tout ceci, Monsieur Bertinotti, c’est en grande partie grâce à vous,. J’ai pu en effet, avec mes collaborateurs, réaliser l’innovation pour ne pas dire la révolution pédagogique qui me tenait à cœur et organiser les concerts qui ont comblé durant de nombreuses années quelques milliers de mélomanes. Aussi, permettez-moi de vous remercier et de rendre hommage au grand musicien que vous êtes, passionné, intègre, fidèle dans vos actes et vos amitiés, qui fait de vous ce qu’on ne rencontre plus guère de nos jours : un homme.
Recevez, Cher Monsieur Bertinotti, mon respect, mon admiration et ma sincère amitié.