Surnommée la « Sibylle du Rhin », Hildegard est considérée comme la première femme compositeur connue. Elle est la plus ancienne compositrice dont une messe nous est parvenue.
Née en 1098 à Bemersheim, Rheinhessen, originaire de la petite noblesse du Palatinat, elle entre au monastère bénédictin de Disibodenberg à l'âge de huit ans. Elle rédige là une partie de son oeuvre, reconnue au Concile de Trèves en 1147, puis le quitte en 1150 avec d'autres moniales pour fonder un monastère à Bingen, sur le Rhin, où elle restera fixée jusqu'à la fin de son existence en 1179, où elle meurt à Rupertsberg, près de Bingen.
Sujette à des visions dès son plus jeune âge et plus tard grande mystique, elle deviendra non seulement moniale, puis abbesse, mais également médecin, écrivain, poétesse, musicienne et prédicatrice.
Ses visions, qu'elle consigne dans trois ouvrages admirés de saint Bernard de Clairvaux et du pape Eugène III, nous révèlent un monde en mouvement perpétuel, infini, plus proche de celui de la physique moderne que de la conception figée traditionnelle du Moyen-Age. Plusieurs instituts médicaux en Europe se réclament aujourd'hui de la médecine douce d'Hildegard. Son ouvrage « Materia Medica » reste toujours de référence.
L'un des concepts centraux de sa pensée est celui de viriditas : à la fois « verdeur et vigueur, force germinatrice et créatrice, fécondité de la terre et souffle vital ». La « viridité » revient souvent dans ses poèmes et anime la musique qu'elle a écrite sur ces textes.
Elle se disait pénétrée d'une harmonie divine englobant toutes choses. Aussi voyait-elle dans ses compositions des « Symphoniae harmoniae celestis », la révélation de l'harmonie céleste.
Pour Hildegard, selon sa correspondance, la musique est la forme la plus élevée de toute activité humaine, miroir de l'harmonie des sphères et des choeurs angéliques. « L'âme est symphonique; de même que la parole désigne le corps, la symphonie manifeste l'esprit, car l'harmonie céleste annonce la Divinité et la parole annonce l'humanité du Fils » dit-elle dans son premier livre de visions : « le Sci vias ».
Elle compose durant sa vie 77 symphoniae, pièces musicales écrites sur ses propres poèmes religieux et destinées à être chantées lors des cérémonies du couvent. Ces oeuvres plongent leurs racines dans le plain-chant du Bas Moyen-Age germanique, genre qui partage l'esprit et les formules du chant grégorien traditionnel, mais s'en distingue par des audaces et des ruptures fréquentes, des mélismes très développés, un rapport plus étroit au texte et une utilisation symbolique des modes.
Ces éléments sont exacerbés dans l'écriture d'Hildegard, qui apporte des formules personnelles, un sens nouveau de la vocalité et fait de ses oeuvres de véritables visions en musique. Les motifs reviennent sans cesse, en perpétuelle mutation, jamais figés, envoûtant l'auditeur par leur fluidité et leur force.
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Hervé Gallien, 13 janvier 2008
Femmes Compositrices