Les Voix du Prieuré, la voix envoûtante du clavecin
Bach, Hersant Ligeti
Le Bourget du lac, Eglise Saint Laurent,
mardi 5 juin, 20h30
Un compositeur et son œuvre, une interprète et son instrument ont suffi à rendre cette soirée mémorable.
Anne-Catherine Vinay a interprété magnifiquement l’œuvre de György Ligeti, récemment disparu, « Continuumm » pour clavecin solo, avec une maîtrise surprenante et une musicalité envoûtante, la seule œuvre authentiquement contemporaine de ce concert qui pourtant, à l’exception de Jean-Sébastien Bach, s’annonçait sous le signe de la modernité, de la créativité, de l’innovation et de la curiosité.
Anne-Catherine Vinay
Compositeur d’aujourd’hui, bien vivant, Philippe Hersant, pilier de cette programmation, était là, parmi le public, et nous a même expliqué l’inexplicable : ce qu’il a voulu exprimer dans ses trois œuvres proposées. C’était intéressant, mais l’essentiel était d’écouter.
« Allégories » interprétées par L’Ensemble 20.21 de Cyrille Collombier, a de suite donné le ton. Philippe Hersant compose du Philippe Hersant. Apparemment, il refuse les influences et c’est une grande qualité. Mais le revers, c’est que la place parmi les plus grands est très étroite. Il s’y est faufilé et a créé une musique sans éclat, sans puissance, sans l’émotion que l’on est en droit d’attendre. C’est bien écrit, bien équilibré, un peu monotone, souvent répétitif et sans innovation. Il n’y a ni joie ni détresse et c’est là surtout, que nous nous sommes senti frustrés. Cyrille Collombier a fait de son mieux avec son nouvel ensemble, récemment crée, interprétation un peu touffue peut-être, mais pleine de promesses qui sauront se révéler avec le temps.
« Le chemin de Jerusalem » pour viole de gambe solo, c’est la découverte d’une interprète, Christine Plubeau. Elle connaît son instrument, le fait sonner comme en elle-même en merveilleuse musicienne virtuose. Mais là aussi, l’œuvre d’Hersant, répétitive à souhait, n’a rien de contemporaine. C’est un peu fade et l’ennui envahit quelque peu la partition.
Christine Plubeau
Quant à « Falling Star », dirigée de main de maître par Bernard Tétu à la tête de ses Solistes de Lyon, les explications du compositeur n’ont pas convaincu : là aussi, une musique disparate sans coups émotionnels, allant d’un point à un autre sans pouvoir convaincre ni obtenir une véritable adhésion.
Bernard Tétu
Auparavant, Bernard Tétu avait interprété avec ses Solistes, quatre pièces de Ligeti, œuvres de jeunesse où l’on retrouve difficilement l’inventivité, la modernité et la provocation de son « Continuumm ». Ces pièces, influencées par la musique traditionnelle hongroise, ont simplement le mérite d’exister.
Enfin, il y avait Bach, le grand Jean-Sébastien, avec son célèbre « Jesu meine Freude ». L’interprétation de Bernard Tétu, précise, attentive aux moindres détails du texte, faisant éclater les merveilleuses voix de ses chanteurs solistes, était un peu sèche et désincarnée.
Les Solistes de Lyon
Un grand concert tout de même, grâce à des interprètes d’un niveau exceptionnel, où le modernisme, le contemporain, l’actuel et l’émotionnel – à l’exception du clavecin – étaient curieusement absents.