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La musique dérivée, incisée
Pierre Boulez et l’Ensemble Intercontemporain à Grenoble
Mardi 13 mars 2007, Auditorium de la MC2
Edgard Varèse (1883-1965), Intégrales, pour 11 instruments à vent et percussions (1925)
Pierre Boulez (né en 1925), Dérive 1, pour 6 instruments (1884)
György Ligeti (1923-2006), Concerto de chambre, pour 13 instruments (1970)
Pierre Boulez (né en 1925), sur Incises, pour 3 pianos, 3 harpes et 3 percussions-claviers (1996-1998)
MC2, Grenoble
Concert unique, puisque donné seulement à Saragosse en Espagne ce samedi 10 mars 2007, unique aussi parce que la présence de Pierre Boulez à Grenoble, est l’évènement musical de l’année. Le compositeur atypique et chef fondateur de l’Ensemble Intercontemporain, était là, devant une salle comble, sur la scène de l’auditorium de la MC2.
Au programme, deux œuvres de Boulez, mais aussi de Varèse et Ligeti qui ont permis à l’auditeur de découvrir des sonorités nouvelles, étranges, bouleversantes, évoquant avec force et puissance notre propre cheminement intérieur, dans le style propre à chacun des trois musiciens.
Mais le plus déconcertant, mais combien passionnant, c’est la direction de Pierre Boulez, simple en peu de geste, concise, précise, mains dans la dextérité, le regard plus intéressé par la partition que par ses musiciens, semblant recréer l’œuvre mentalement pour mieux se retirer du jeu, les abandonnant un instant, pour que seuls, à leur aise, ils puissent improviser selon l’inspiration du moment. Boulez est un non-chef qui en fait un très grand. Il pique les jalons, laisse faire et retourne à son gré la situation, recalant naturellement au moment décidé, l’ensemble des interprètes, sans autorité. Seulement une complicité acquise dans le respect de la musique et de l’artiste, longuement travaillée.
A l’image de leur chef, l‘ensemble n’est formé que de solistes, les plus grands. On est en permanence devant un exercice de virtuosité, vite oublié par la musique qui nous (sur)prend au-dedans, pour ne plus nous lâcher.
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« Intégrales » d’Edgar Varèse, n’est qu’en projection de sons. La puissance des 11 instruments à vent et des percussions, donnent une impression de chocs permanents où les blocs de sons se succèdent visuellement et laissent à peine le temps à l’oreille de les appréhender, que déjà d’autres blocs sont projetés. On en sort secoué, rempli d’un sentiment de prolongation inachevée.
« Dérive 1 » de Pierre Boulez, est une courte pièce, lente, nourrie d’accords inlassablement égrainés, accouplés et multiples en marche lente, inexorable et incertaine où, sur un fond sonore immuable, les notes se croisent, se décroisent, se superposent, se répondent et rebondissent toutes en souplesse dans une impression d’arabesques longues et mélodiques, qui progressivement vont s’amplifient dans un flux sonore de plus en plus affirmé, pour terminer sur l’accord initial, fermant ainsi le cercle de ce parcours imaginaire. Contrairement à Varèse nous sommes dans un calme relatif, repos troublé de petites notes ou groupes incisifs, qui renforcent l’unité d’une œuvre savamment pensée.
C’est avec le « Concerto de chambre » pour 13 instruments, de György Ligeti, que nous avons le mieux ressenti l’écriture musicale contemporaine la plus aboutie. Ici, le compositeur est allé jusqu’au bout de sa pensée pour nous plonger dès la première mesure dans le bruissement à peine audible du plus profond de notre inconscient. C’est notre vie intérieure qu’il nous révèle, montrant ce à quoi nous tendons, ce qui, par petites doses obsessionnelles, est perturbé, abîmé, cassé par de nombreuses intrusions. Ligeti viole notre intimité et ce n’est pas intact, que nous en ressortons. Ce fut le sommet de la soirée.
Enfin, pour, « sur Incises », que Pierre Boulez avait longuement décortiqué au cours de la conférence qui précédait le concert, c’est le chiffre 3 qui domine l’œuvre*. Cette composition est écrite pour 3 harpes, 3 pianos et 3 percussions-claviers, disposés sur la scène par 3 groupes de 3 musiciens, jouant sur les innombrables formes de ce chiffre emblématique. Partant d’une courte pièce pour piano, Boulez a développé cette composition en en prenant les caractéristiques les plus extérieures, traits et notes répétés, les transformant en une effusion perpétuelle, en une palette sonore d’une grande singularité. On retrouve ici les caractéristiques intellectuelles d’un immense musicien, qui à l’image de cet homme, sont d’une puissance naturelle et d’une grande simplicité.
De ce superbe concert, nous en sommes ressortis la tête remplie de nouvelles sonorités qui nous a rendu, l’espace d’un temps, la culture qu’on nous a confisquée.
* Voir la rubrique « Dossiers », conférence sur « Carmen »
Pierre Boulez
Toutes les critiques de concert réalisées par Hervé Gallien |
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TV/Radio/ A voir et à écouter
Week-end Ensemble Intercontemporain
ARTE, Samedi 14 avril 2007, 22h40
Dimanche 15 avril 2007, 19h
ÉMISSIONS À NE PAS MANQUER
Hervé GALLIEN
13 mars 2007
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