Festival des Nuits romantiques 2007 du 28 septembre au 7 octobre
Réagissez, commentez, critiquez, témoignez...mais n'oubliez pas de signer vos écrits !
Les écrits de cette rubrique
sont sous la responsabilité
de leurs auteurs,
le site offrant pour sa part
cet espace web
aux passionnés de musique.
Merci de bien noter la référence
CC017
Répondre à cet article
Sur chambé-aix |
Autres infos :
- - - -
-
|
|
|
La musique absente d’un récital d’une grande et ennuyeuse technicité
Nuits Romantiques du lac du Bourget 2007
Récital de piano
Nelson Goerner
Chindrieux, Salle des Fêtes
Vendredi 5 octobre 2007
Chindrieux, Salle des Fêtes
Vendredi 5 octobre 2007
Alban Berg (1885-1935), Sonate pour piano en si mineur op.1, Mässig bewegt
Ludwig van Beethoven (1770-1827), Sonate n°31 op.110 (3 mouvements), en remplacement des « Trois Klavierstüke D 946 » de Franz Schubert
Joannes Brahms (1833-1897), Sonate pour piano n°3 en fa mineur op.5, Allegro maestoso, Andante espressivo, Scherzo (allegro energico), Intermezzo « Rückblick » (andante molto), Finale (allegro moderato ma rubato)
Nelson Goerner
C’est par la première sonate d’Alban Berg, que Nelson Goerner s’est présenté au public de la Salle des Fêtes de Chindrieux. Si cette sonate préfigure – on se plaît à l’imaginer – le modernisme révolutionnaire du dodécaphonisme, elle reste bien en deçà de l’apogée de l’école viennoise, se contentant, exercice scolaire – il faut en passer par là – de ressasser des thèmes et harmonies épuisantes et épuisées, d’un sage classicisme – romantisme si l’on veut bien se forcer – aux sonorités non diversifiées, engendrant monotonie et ennui jusqu’à la dominante-tonique de la cadence parfaite finale, écrite dans sa plus grande nudité. Et dire que c’est cela qui conduira Berg sur les chemins de la gloire avec son « Wozzeck », œuvre insurpassable du plus grand génie du XXème siècle !
Nelson Goerner, dès les premières mesures, a installé et imposé une personnalité complexe, par un jeu technique d’une clarté, d’une finesse et d’une égalité dont le perfectionnisme incontestable, nuances, contrastes, envolées (non lyriques) et retenus calculées, a éliminé impitoyablement toute spontanéité.
Luisada possédait son piano, le malaxait, le torturait, obtenant de lui ses moindres désirs, le faisant sonner dans une puissance émotionnelle bouleversante et sans appel. Goerner, lui, caresse, respecte, supplie même, lorsque indocile, dans les fortissimos notamment, il frappe son instrument avec dureté au lieu de le prendre en profondeur. Même les pianissimos, durs, perlés et secs, sont en rupture de manque de douceur d’un toucher inespéré. C’est seulement au travers des phrases chantantes, que Goerner consent à diriger son regard au-dessus du clavier, pour mieux se persuader que sa phrase est vraiment dans la plus pure beauté. Elle l’est sans doute, mais pour lui. Si l’émotion ne jaillit jamais, c’est que Nelson Goerner s’approprie sa musique, refusant de la partager, se la gardant sienne et se gardant bien de nous la faire partager. Il nous refuse la tendresse et l’émotion que nous étions venus chercher.
Les amoureux de Schubert ont été déçus. Nelson Goerner a décidé de le remplacer par Beethoven. Pourquoi ? Encore un mystère ! Cela arrive parfois : les artistes ne sont-ils pas les maîtres ? Et le public, il est quoi ? Parfois il manifeste. Ici, il n’en fut rien.
La 3ème sonate de Beethoven, l’opus 110, n’a rien de particulièrement excitant. Nelson Goerner a été égal à lui-même.
La 3ème sonate de Brahms terminait ce concert. Il a semblé, au début, que l’interprète allait enfin s’exprimer. On a ressenti un mieux peut-être, un peu plus d’enfoncement, moins de coups frappés, mais ce fut hélas, de courte durée. Pourquoi ces basses sèches sans résonance ? Pourquoi ces mouvements souvent hâtés, ignorant la respiration en quasi permanence ? Tout au long de cette soirée, le silence – Ah Luisada ! - a été le grand absent.
Le public a fort apprécié, à en juger par l’ovation finale que le pianiste récompensa par deux bis pour lesquels il ne s’est pas fait prier. Et c’est tant mieux pour lui, mais était-ce bien mérité ? Au fait, l’acoustique du gymnase de Chindrieux était-elle appropriée ? Répondait-elle aux exigences d’un pianiste qui aurait pu en d’autres circonstances, nous montrer un tout autre talent et démonter ainsi mes propos quelques peu désabusés, traduisant une déception que je n’aurais osé soupçonner ?
Hervé GALLIEN
6 octobre 2007 |
|
Vos réactions :
Quand cessera-t-on en France les procès en sorcellerie contre les pianistes qui sont de vrais pianistes, à base technique solide ? On leur préfère des minaudeurs, des faux virtuoses, voire des figures de catalogue dont la seule qualité est d'être agréable à regarder.
Votre article sur un récital de Nelson Goerner (auquel je n'ai pas assisté mais j'ai souvent programmé cet artiste) est révélateur de cet état d'esprit. Ce pianiste est bien l'un des tous meilleurs d'aujourd'hui et certainement pas un broyeur d'ivoire.
A moins qu'il ne soit révélateur d'un autre mal français : s'autoriser à parler de ce que l'on ne connaît pas vraiment, s'ériger en censeur, s'auto-piédestaliser en s'exprimant sur la culture.
Jean-Marc Bouré
La réponse de Mr Hervé Gallien
Monsieur,
Selon Wikipédia, votre parcours est intéressant et je n'en discute
pas la véracité. Avoir été un des premiers à programmer Alexandre
Taraud, Nelson Goerner et Anexandre Ghindin, est tout à votre honneur.
Je passe mes journées à lire les critiques musicales de mes
"confrères", tous pays confondus, sur internet et dans certaines
revues spécialisées, et je constate que les plus instructives sont
rarement écrites par les français. La virulence et la subjectivité,
qui devraient caractériser tous les critiques - toutes les opinions
sont indispensables et indissociables - se situent très souvent au-
delà de nos frontières.
Quant à votre protégé Nelson Goerner, relisez bien mon article (le
début essentiellement). Je dis et j'affirme qu'il s'agit bien d'un
des plus grands pianistes de notre temps. Mais quand on tente en
vain, de chercher tout un long d'un concert, la petite étincelle qui
pourrait nous procurer la moindre émotion, si petite soit-elle - j'ai
bien dit : "émotion" - c'est que le courant ne passe pas entre
l'artiste et l'auditeur. Entre Nelson Goerner et moi-même, il ne
s'est rien passé. Je n'aime la musique que lorsqu'elle me touche, me
bouleverse et m'entraîne dans un autre monde. La technique et la
virtuosité ne m'intéressent pas. Elles ne doivent être que la
fondamentale indispensable à tout instrumentiste, afin d'être
totalement libéré pour exprimer à sa manière, selon sa propre
conception, ce graphique mathématique et sans vie qu'est la partition
musicale, dont il doit être capable de nous en donner une traduction
personnelle afin de nous plonger dans le ressenti émotionnel que
nous recherchons.
Ce soir là, nous étions très loin du compte, et je n'ai pu m'empêcher
de me rappeler que quelques jours avant, j'avais entendu un autre
pianiste, un musicien d'une subtile sensibilité et d'une incroyable
humanité, qui avait laissé sa virtuosité au vestiaire, pour se
contenter avec son immense talent de nous faire pleurer : Jean-marc
Luisada.
Mais il est vrai, toujours d'après Wikipédia, que vous êtes, entre
autre, un fidèle programmateur, une sorte d'agent artistique de
Nelson Goerner. Ceci explique peut-être cela !
Mr Jean-Marc Bouré
Monsieur,
Je ne suis ni ami ni agent de Nelson Goerner. Je passe par son agent lorsque je souhaite le programmer, en respectant la procédure normale (ce que ne font pas tous les organisateurs...).
Vos sous-entendus pourraient même être génants car je suis agent public, donc soumis à la règle du non cumul de fonctions. L'article sur Wikipédia est clair sur ce point, mais il est vrai que vous commencez votre réponse en sous-entendant qu'il pourrait être entâché d'erreur...
A ce sujet, j'ai programmé Tharaud pour la première fois en 1994, à Vannes. Sur ce point au moins, Wikipédia dit vrai. Pour le reste aussi, je vous rassure !
Je partage votre point de vue sur la plupart des critiques travaillant en France. Les réseaux sont depuis longtemps trop développés pour que l'impartialité de ces critiques soit totalement certaine (vacances payées par des festivals, liens avec les maisons de disques, copinages divers, etc...).
Quant au reste, c'est une question de goût : les pianistes qui m'ont laissé les meilleurs souvenirs se nomment Goerner, Paik (n'en déplaise à M. Lompech !), Sermet, Ghindin, et disons... Muraro parmi les Français. Cela ne veut pas dire que je déteste les autres, loin s'en faut ! Encore hier soir, j'en recevais quatre que j'ai trouvé excellents : Anne Queffélec, Claire Désert et les soeurs Bizjak.
Dommage toutefois que je ne puisse ici écrire les noms de ceux que je n'apprécient pas !
Bien à vous.
JM Bouré
Lien vers l'article de Wikipédia dont il est question dans cet échange
Mr Hervé Gallien
Monsieur,
Pour en terminer avec notre échange particulièrement intéressant, je
voudrais d'abord vous rassurer. Je ne mets en aucun cas en doute,
votre sincérité et votre jugement. Les réserves que je me suis permis
de formuler viennent du fait que Wikipédia mentionne : "admissibilité
à vérifier" !
Ceci dit, les pianistes que vous citez, Anne Queffélec, Claire Désert
et tout particulièrement Roger Muraro, sont des artistes de grands
talents que j'admire énormément, ce qui montre que nous avons sans
doute, aussi, des goûts communs. Votre avis sur certains critiques
français et leur appartenance à certains réseaux, me paraît tout à
fait justifié et j'approuve totalement vos propos. Quand à Nelson
Goerner, je crois sincèrement que nos différences d'appréciations,
sont très positives et ne peuvent qu'enrichir le débat sur
l'interprétation musicale, qui au fil des années devient de plus en
plus lisse et sans caractère affirmé, alors que la technique est de
plus en plus performante, aussi bien au niveau des solistes
instrumentaux ou vocaux, que des plus grands orchestres français et
internationaux, ce qui est bien regrettable, alors que l'un et
l'autre, il me semble, devraient être complémentaires.
J'aimerais beaucoup lire vos critiques, afin de voir si nous sommes
vraiment si opposés que cela. Quant aux miennes, vous les retrouverez
régulièrement ici, sur le site Chambé-aix.
Cordialement,
Hervé Gallien
Toutes les critiques de concert réalisées par Hervé Gallien
|