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« Lady Macbeth de Mzensk », ennui et sexualité

Grand Théâtre de Genève
 

Dimanche 18 mars 2007, 17h

 

Lady Macbeth de Mzensk (1934)
opéra en 4 actes et 9 tableaux
musique de Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
d’après le roman de NicolaÏ Leskov

Stéphanie Friede, Katerina
Nikolaï Schukoff, Sergueï
etc…

Chœur du Grand Théâtre
direction : Ching-Lien Wu
Chœur Orpheus de Sophia
direction : Krum Maximov

Orchestre de la Suisse Romande
direction : Alexander Lazarev

Mise en scène : Nicolas Brieger

 

L’argument de l’opéra, c’est le destin de Katerina, jeune femme mariée à Zinovi Ismaïlov, riche marchand du district de Mzensk. Parce qu’elle s’ennuie et se fait harceler par son beau-père, Katerina prend pour amant un des ouvriers de son mari, le bellâtre Sergueï. Par amour pour lui, elle assassine son beau-père, puis son mari. Rongée par la culpabilité, condamnée au bagne, délaissée par Sergueï, elle finit par se jeter dans une rivière en entraînant sa rivale.

grand theatre Geneve

Grand Théâtre de Genève

C’est Gustave Flaubert qui (en 1857, 77 ans avant la création de l’opéra), dans « Madame Bovary », résume le mieux le moteur central de l’action : « Au fond de son âme, cependant, elle attendait un événement comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l’horizon… »

Cette Lady aurait pu être Madame Bovary, mais elle aurait pu être aussi celle de Shakespeare ou de Verdi. Il n’en fut rien.

La déception c’est d’abord Chostakovitch, pour lequel on peut se poser quelques questions : compositeur authentique ou médiocre pasticheur ? compositeur de génie ou technicien apprenti ?

Violence, sensualité, brutalité, sarcasme, ironie et férocité, parcourent une partition farcie de sentiments et contradictions. C’est un fourre-tout de tous les genres, enchaînant polkas, valses et autres danses viennoises, triturées en musique de cirque – on se croirait chez Fellini - , et, plus grave encore, une musique en constante référence au chef-d’œuvre de Moussorgsky, « Boris Godounov » vulgarisé et défiguré. Musique déglinguée et désossée, orpheline de son lien fondateur dont le repère crée l’émotion et la jouissance intérieures. Ce ramassis de perplexités où alternent ennui et sexualité, est joué par un orchestre tonitruant dont les trompettes sonnent violemment et constamment une fulgurante charge militaire, dénaturant leur propre son et détruisant l’unité d’un ensemble d’une exceptionnelle qualité.

 

 

Mais, qu’est-t-il donc passé dans la tête de leur chef talentueux, Alexander Lazarev, pour avoir accepté ce désastre organisé ? La réponse est sans doute dans la partition. En chef scrupuleux, il a sans doute respecté les indications mentionnées et dévoilé ainsi la faiblesse de cette oeuvre grotesque.

L’autre déception, c’est la mise en scène de Nicolas Brieger qui s’est cru obligé de respecter sans se questionner, le texte des libraitistes Alexander Preis et le compositeur lui-même. Quelle erreur ! une mise en scène réussie ne peut-être que la vision personnelle d’un homme de génie. Ici, rien n’est abouti, tout commence et rien ne finit. Le respect, à la lettre de ce texte, définit le cadre imposé et ne laisse aucune place à l’imaginaire. Nous n’avons pu rêver, ressentir ce bonheur de liberté et nous laisser aller avec les acteurs de ce drame, au plus profond de leur désespoir. De bout en bout nous sommes restés au premier degré, degré zéro serait plus juste, et nous nous sommes fort ennuyés.

Comment dans ces conditions puériles et désuètes, ressentir le sujet central de cette histoire tragique, plus que jamais d’actualité : la femme soumise à l’homme, qui veut se libérer quelque soit le prix à payer.

Le couple  Katerina / Sergueï, admirablement interprété par Stéphanie Friede et Nicolaï Schukoff, est devenu un couple obsédé sexuel, auquel l’amour romanesque paraît totalement étranger. Lui, le pantalon baissé et plus souvent ôté, fesses nues offertes au public, s’adonne à de nombreux coïts avec sa partenaire qui en redemande sans cesse, habillée de la tête au pieds… Quant à la cuisinière, violée collectivement par des dizaines d’ouvriers, c’est à peine s’ils l’ont déshabillée : un tout petit bout de sein, et le tour est joué… Situation ubuesque : les choses, on les montre ou, on ne les montre pas ! C’est une question de choix. Ici, le choix, il n’y en avait pas.

Un seul plaisir, visuel celui-là, c’est le tableau final où, sous une tempête de neige, les prisonniers sont conduits au bagne et se traînent vers la mort ou se confondent la terre et le ciel dans un paysage désolé de plaine sibérienne, où Katerina entraînant sa rivale dans la mort, sera précipitée au travers de la glace brisée du lac gelé, au fond des eaux glacées. Ce fut un moment d’une grande beauté. 

Cela dit, comme à son habitude, l’Opéra de Genève a réuni des chanteurs d’exception, des premiers aux plus petits rôles, qui ont su montrer leur immense talent. Comme à leur habitude, les chœurs ont été superbes et l’Orchestre de la Suisse Romande dont la renommée n’est plus à faire, excepté cette erreur passagère qu’on ne peut lui imputé, a été à la hauteur se sa grande réputation.

« Lady Macbeth de Mzensk » : une grande déception.

choskatovitch

Dimitri Chostakovitch

 

 

 

Hervé GALLIEN
20 mars 2007

 

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