La sérénité communicative d’un immense pianiste
Wilhem’toys pianos
Wilhem Latchoumia
Festival des Nuits d’été
Eglise de Saint-Pierre d’Entremont (Savoie), mardi 7 août 2007, 20h30
St Pierre d'Entremont (Savoie)
oeuvres de John Cage, David Smooke, Dai Fujikura, Bernadette Speach, Tobby Twining, Carl Nagelen, Stephan Mikaël Gryc
pianos, Wilhem Latchoumia
avec la participation de Brice, Rémi, Julian, Frédéric et 8 petites pianistes en herbe
Wilhem Latchoumia
Quel courage ! Après un « Sacre du printemps » plutôt « culotté », voilà que le Festival des Nuits d’été, invite « l’homme aux pianos déjantés ». Droits ou à queue, ils n’en avaient que la forme, mais, ni la taille ni la sonorité. Du tout petit (40 centimètres peut-être) au grand de concert, piano préparé (objets métalliques et de différentes matières déposés sur les cordes), leurs sonorités déglinguées, mêlées parfois aux sonorités triturées (souvent sons harmoniques) de la guitare, des alti, du violon ou des jouets de la célèbre symphonie et objets divers servant de percussions, nous ont entraînés, une bonne heure, dans l’univers inconnu d’un véritable conte de fée.
Dès l’apparition du maître du jeu, jeune homme simple aux longs bras prolongés de longues mains le long d’un corps d’une expressivité prémonitoire, la partie était gagnée. Wilhem Latchoumia décuple une force de pensée communicative qui ne laisse personne indifférent, surtout pas ses partenaires, quasiment hypnotisés par cette force intérieure, qui se sont donnés tout entier aux exigences de leur maître.
Le programme était entièrement consacré à la musique contemporaine d’avant-garde, tournant autour du célèbre compositeur américain, admiré et vénéré de notre pianiste : John Cage, qui a eu l’audace de « composer », entre autre, le concert de silences, où les musiciens ne jouent pas, le chef ne dirige pas, puisque aucune note ne figure sur la partition.
Les œuvres étaient d’une grande difficulté technique. Wilhem Latchoumia s’en est joué avec une facilité déconcertante, une décontraction, une dextérité et une musicalité absolument éblouissantes. Nous pensons particulièrement à ce moment de virtuosité, où, la main droite jouait sur un tout petit piano pendant que la main gauche jouait sur le grand piano de concert. C’était magnifique et cela témoignait, s’il en est besoin, de la grande force de pensée organisée, structurée et infaillible de cet homme hors du commun.
Ses partenaires, musiciens et amis, l’ont suivi dans sa démarche, avec un égal talent admiratif et un bonheur non dissimulé, qui ont ravi un public subjugué, d’autant que toutes les œuvres étaient écrites sur partitions et que les interprètes les ont jouées scrupuleusement dans les méandres de leurs difficultés.
Et puis, un autre grand moment , très émouvant, de cette soirée d’exception : la participation de huit fillettes âgées de 8 à 10 ans, « pianistes en herbe », indique la notice, que Wilhem Latchoumia, a prises sous son aile, leur apportant sa confiance totale par le regard et le geste, les rassurant ainsi dans leur belles interventions. Elles ont improvisé, mais pas n’importe comment, pas comme cela se fait très souvent par ailleurs, pour suivre une mode surfaite. Elles ont improvisé dans le respect d’un texte mouvant et changeant suivant l’humeur du moment de leur maître ou de leur petite camarade désignée pour chef. Plusieurs feuilles de papiers transparents, accolées, superposées, dispersées d’une manière chaque fois différente, leurs ont permis de jouer une musique ordonnée et diversifiée. Elles l’ont interprétée sur des instruments-jouets : piano minuscule, canard couineur, sifflets, objets divers et imprévisibles, et cela était d’une grande beauté. La concentration de ces enfants, sous l’œil attentif de leur professeur d’un soir, a été remarquable et a montré à quel point cette intervention musicale pédagogique peut enrichir et faire progresser considérablement l’élève, devant un tel exercice artistique : déchiffrer la partition (analyser) et la jouer simultanément (synthétiser), exemple suprême devant lequel les enseignants devraient méditer.
Wilhem Latchoumia est non seulement un immense pianiste de grand talent, c’est aussi, avant tout, un grand homme dont l’humain reflète sa merveilleuse et passionnante personnalité. Il est au sommet du firmament et dépasse de loin, beaucoup des plus grands. Sa carrière, déjà prometteuse, mérite toute notre attention.