Ludwig Van Beethoven (1770-1827), Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op.21, Allegro ma non troppo / larghetto / Rondo (Allegro)
Hector Berlioz (1803-1869), Symphonie Fantastique, op.14, Rêveries-Passions, Un bal, Scène aux champs, Marche au supplice, Songe d’une nuit de sabbat.
Alexandra Soumm
Toute jeune dans sa longue robe rouge, seulement 18 ans, l’entrée d’Alexandra Soumm, suivie du vieux et vénérable chef Michel Plasson, fut impressionnante. La salle archi-comble retint son souffle. Les 4 « ré » de la timbale, qui ouvre le célèbre et redoutable concerto pour violon de Beethoven, créèrent de suite l’ambiance et captèrent l’attention du public avec un émerveillement collectif rarement ressenti.
Alexandra Soumm, avec une simplicité d’un naturel stupéfiant, des nuances extrêmes, un superbe phrasé expressif, fut bouleversante de bout en bout, avec une technique sans faille, une sensibilité à fleur de peau et une sonorité magique et aérienne rarement entendue dans une salle de concert, ceci, dans un total bonheur communicatif.
Il fallait pour un tel talent, un orchestre et un chef, complices dans les moindres détails de la partition et suivant à la lettre les moindres intentions de l’interprète. Ce fut le cas. Michel Plasson, à la tête de l’Orchestre National de Lyon, a été pour Alexandra Soumm, un père protecteur, respectueux des désirs de son enfant d’un soir. Ses musiciens l’ont suivi avec respect et passion, nous offrant un ensemble magnifique, d’une homogénéité époustouflante , unique il me semble, dont l’émotion a été la note dominante. Ce fut un grand moment de musique, un moment de beauté suprême, difficile à imaginer, pour ceux qui n’étaient pas là.
Orchestre National de Lyon et Michel Plasson, Festival Berlioz, 31 août 2007
Quant à la très célèbre « Symphonie Fantastique », certains diront qu’elle n’a de fantastique, que le nom. Il est vrai, qu’archi-connue, on peut lui reprocher ses effets saisissants, souvent lourds, grossiers et pompeux, alternant avec une douceur suave, langoureuse, portant plus à l’ennui qu’à la méditation.
Et pourtant, avec cette composition majeure, Hector Berlioz livre son éternel et passionnel ressenti romantique exacerbé. Il a écrit une œuvre descriptive, révolutionnaire. Sa musique n’est plus un agencement de notes et de thèmes structurés, consolidant un édifice sur lequel on puisse s’appuyer et se reposer. Elle est, au contraire, une musique bouleversante qui triture et reconstitue une architecture nouvelle, surprenante, qui sera imitée avec plus ou moins de bonheur, par ses contemporains et ses successeurs. Mais, où Berlioz est passé maître de cet art, c’est incontestablement dans le renouveau de l’orchestration. Ici, faisant fi de toutes traditions et bannissant la couleur orchestrale de ses prédécesseurs, il invente une nouvelle forme d’agencement des sons, en faisant cohabiter des sonorités instrumentales inédites à cette époque, et c’est là son génie, qui, aujourd’hui encore, fait l’admiration de tous les spécialistes.
Pour traduire la pensée du compositeur, il faut un orchestre virtuose, en particulier du côté des bois et des cuivres, et un chef engagé, y croyant à fond. L’Orchestre National de Lyon a parfaitement rempli sa mission. Les musiciens, sous la direction fougueuse et passionnée d’un Michel Plasson, d’apparence calme et impassible, sûr de lui en vieux routier de cette musique qu’il connaît par cœur, ont donné le meilleur d’eux-mêmes. On aurait cependant aimé, que ce grand chef, obtienne des cuivres (trompettes et trombones), des fortissimo d’une toute autre élégance, en leur demandant d éviter la claironnade cuivrée permanente, et en reliant dans la continuité, les passages de douceurs, pour éviter quelques longueurs inutiles et souvent ennuyeuses, dont le troisième mouvement en a particulièrement fait les frais.
Berlioz, à l’identique de Wagner à ses admirateurs et ses détracteurs inconditionnels. J’ai plutôt tendance à être du côté de ces derniers. C’est pourquoi, sans trahir mes convictions, je peux dire que ce concert a été d’une haute tenue, mieux, d’une qualité exceptionnelle (ah !... ce Beethoven miraculeux…), que nous ne sommes pas prêts d’oublier.
Pour ce Festival 2007, c’était mon dernier concert à La Côte-Saint-André, je voudrais exprimer aux organisateurs toute mon admiration pour le travail remarquable qu’ils font : choix des artistes, composition des programmes, accueil du public, organisation générale structurée et sans faille (ici, les concerts commencent à l’heure précise !), etc… Cette petite ville reçoit plusieurs centaines d’artistes (solistes et toutes formations confondues), en 10 jours, à raison de 2 concerts par jour, et remplie quasiment la totalité de ses concerts très souvent (sur)bondés. Le public, grâce a un travail de fond effectué depuis plusieurs années, s’est considérablement fidélisé. Tout ceci est possible grâce au dynamisme, au dévouement et à la compétence d’une équipe composée des professionnels nécessaires pour la programmation et de bénévoles en nombre considérable, auxquels sont associés intelligemment, professeurs et élèves de l’école de musique.
Espérons qu’en d’autres lieux, à l’exemple de la Côte-Saint-André, il y aura un jour prochain une véritable prise de conscience, renouant le public, plus nombreux qu’on ne le pense, avec cette musique classique, depuis trop longtemps, abandonnée.
Le Festival Berlioz 2007 se termine… Vive le Festival Berlioz 2008 !