Le Festival Berlioz
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La splendeur de l’équilibre sonore retrouvé
Festival Berlioz 2007
Orchestra Sinfonica Nazionale della R.A.I.
Daniel Kawka, direction
La Côte-Saint-André, Château Louis XI
Samedi 25 août 2007, 21h
Hector Berlioz (1803-1869), Scène d’amour, extraits de Roméo et Juliette
Richard Strauss (1864-1949), Don Juan
Richard Wagner (1813-1883), Prélude et mort d’Isolde, version instrumentale
Serge Prokofiev (1891-1953), Roméo et Juliette, suite
Orchestra Sinfonica Nazionale della R.A.I.
Le vent a tout d’abord troublé l’objectivité subjective du critique, qui se doit de choisir entre son émotion et son plaisir parfois écorché.
En effet, pendant que les musiciens se battaient avec le vent en déplaçant avec plus ou moins de bonheur leurs pinces à linges à chaque « tourne », Daniel Kawka, en chef consciencieux, mais quelque peu démuni, tentant de replacer dans l’ordre les pages affolées de sa partition, qui, ignorant la musique tournaient au gré du vent, était ainsi privé de sa main gauche, sensée exprimer l’expressivité des œuvres interprétées.
Cependant, ce détail, non sans importance, n’a entaché en rien le talent des musiciens et de leur chef.
L’ Orchestra Sinfonica Nazionale della R.A.I., formation imposante aux cordes particulièrement fournies, a atteint un équilibre sonore d’une rare homogénéité ou les vents, dans des pianissimos et fortissimos d’un contraste époustouflant, se sont fondus en une harmonie constante et impressionnante, donnant une vision sonore, d’une indicible beauté.
Les musiciens, d’un niveau exceptionnel, ont fait bloc derrière (devant) leur chef, dans une unité parfaite, d’où émergeaient par instant quelques solistes très remarqués : les sonorités aériennes du violon et de l’alto, le son velouté du hautbois et de la flûte, les prouesses stupéfiantes des cors dont le soliste s’est joué des innombrables difficultés, et enfin, le trompette solo, dont la virtuosité, la musicalité et l’incroyable aisance dans les nuances et les périlleuses tessitures, a fait preuve d’un authentique talent.
Nous avons eu hier soir un des plus talentueux orchestres actuels, dont la perfection, le hisse au niveau des plus grands. Sous la direction de leur chef d’un soir, Daniel Kawka, il a fait merveille.
Daniel Kawka
Pour la « Scène d’amour » d’Hector Berlioz, qui ouvrait la soirée, il a fallu un certain temps pour se mettre dans l’ambiance et absorber une musique, qui, hors de son contexte, a paru bien fade et de peu d’intérêt. Mais l’orchestre, ici sans cuivres et percussions, par la plénitude de sa sonorité, la finesse de ses nuances, et malgré la direction très analytique de Daniel Kawka particulièrement gêné par le vent, a sauvé en partie cette œuvre qui ne reflète que très peu le génie du compositeur.
Avec « Don Juan » de Richard Strauss, l’orchestre a retrouvé son effectif au grand complet, et ce fut un grand moment d’émotion. Daniel Kawka a traduit, au travers de ses musiciens, le génie du jeune Richard Strauss, avec le souci du détail et de la continuité, dans une interprétation bouleversante de tendresse et de fulgurance alternées. C’était d’une beauté et d’une précision inouïes, moments saisissants que nous ne sommes pas près d’oublier.
Ensuite, pour terminer la première partie, le « Prélude et mort d’Isolde » de Richard Wagner, fut joué dans sa version instrumentale, mille fois rabâchée, et pour le moins contestable. Comment concevoir la mort d’Isolde sans Isolde ? Pourquoi pas ? Mais, dans ce cas, il s’agit d’une autre musique. Privé de son Isolde, Daniel Kawka a conduit son merveilleux orchestre à un train d’enfer, et pourtant, a réussi la prouesse de la continuité mélodique et l’apport de l’émotion nécessaire à cet extrait amputé de sa partie principale : la voix humaine. Il n’a pas cherché à émouvoir. Il a simplement accompagné Isolde à la mort, dans la simplicité, avec de superbes nuances et de belles retenues dans le phrasé, un peu rapide sans doute, mais peut-être pour mieux lier cette mort sublime dont il a gommé l’aspect métaphysique que Furtwangler, Klemperer et le jeune Karajan savaient si bien suggérer. Ne boudons pas notre plaisir. A défaut de l’original, nous avons eu une copie d’une grande honnêteté.
Enfin, en deuxième partie, l’orchestre proposa une suite de « Roméo et Juliette » de Serge Prokofiev, composée de courtes et « très » nombreuses pièces sans liens apparents, se succédant laborieusement, pour laisser le temps aux musiciens de tourner leurs pages en replaçant leurs pinces à linges, ce qui au bout d’un moment a fini par devenir fastidieux. Si l’orchestre et son chef ont été irréprochables, la musique de Prokofiev, nous a laissé quelque peu insatisfaits. L’agencement des pièces décousu, les thèmes d’une pauvreté affligeante, l’écriture trompeuse, faussement moderne et sans invention, montrent à quel point Prokofiev est un compositeur inégal, pourtant avec un certain talent, mais dont la sincérité manque singulièrement. Ici encore, le sublime Orchestra Sinfonica Nazionale della R.A.I., a rempli sa mission et a sauvé en partie cette œuvre en trompe l’œil, se voulant savante et brillante, mais n’étant qu’un pastiche d’une écriture dépassée, et dont la longueur a exaspéré nombre d’auditeurs.
Cette erreur de programmation, n’entache en rien la qualité de cette soirée, grâce à un orchestre magnifique que nous avons eu grand plaisir à découvrir, et qui fait honneur au Festival Berlioz 2007.
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Hervé GALLIEN
26 aout 2007
Toutes les critiques de concert réalisées par Hervé Gallien
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