Les Voix du Prieuré, la clarinette sur le chemin des voix éclatées
« Le Cantique des Cantiques »
Solistes de Lyon, Bernard Tétu
Le Bourget du Lac, Eglise Saint Laurent
Mardi 12 juin 2007, 20h30
Le Bourget du Lac, Eglise Saint-Laurent
Visible ou invisible, elle a été notre guide assuré. Les sonorités pures ou voilées, souvent triturées ou désintégrées, improvisées ou jouées (Boulez et Stravinsky), de la clarinette virtuose de Jacques Di Donato, nous ont guidé sur le chemin chaotique mais ordonné du magnifique poème amoureux « Le Cantique des Cantiques », trame directrice de cette soirée, dont chaque œuvre en est inspirée, de Claudio Monteverdi, maître de la polyphonie du XVIème siècle, aux créateurs innovateurs d’aujourd’hui, Philippe Fénelon et Edith Canat de Chizy, présents parmi le public, ayant cru bon de dévoiler quelques aspects de leurs œuvres, nous privant ainsi de la surprise excitante d’une première audition.
Ce concert construit autour de trois compositeurs, l’ancien et les deux contemporains, était intéressant à plusieurs titres.
La comparaison entre l’écriture du premier, polyphoniste suprême, maître du contrepoint où les lignes se croisent et s’enlacent sans cesse, provocant d’audacieuses rencontres dissonantes en un mouvement perpétuel, pour aboutir naturellement à la cadence parfaite du repos éternel, avec l’écriture inspirée, travaillée, aboutie en une fort belle polyphonie, dont l’audace s’écartant des extrêmes est un peu surprenante pour ces compositeurs de notre temps, passionnant, mais pas engagés véritablement. Le plus audacieux des trois est bien l’ancêtre, Monteverdi, dont les siècles n’ont fait qu’affirmer son génie.
Il en reste, pour les œuvres proposées, une impression d’une grande homogénéité où chacun à sa manière a su s’exprimer sans vraiment se différencier. Il est vrai que le thème porté par une musique à tendance religieuse, nous entraîne parfois dans une certaine monotonie propre à ce style hostile au véritable modernisme.
Mais les artistes étaient là, et avec eux la monotonie a été très vite oubliée, le concert prenant une toute autre dimension. Les voix des « Solistes de Lyon », d’une beauté, d’une clarté et d’une puissance extraordinaire ont fait oublier les quelques réserves mentionnées. D’un bout à l’autre, on reste subjugué. Tant de travail, tant de prouesse, tant d’exigence ont conduit les interprètes au sommet de la perfection. Bernard Tétu, maître d’œuvre incontestable de cette soirée, a le talent d’un grand chef, d’un musicien accompli dont la connaissance et la culture font de chaque œuvre, un grand moment d’émotion. Bernard Tétu : un grand patron.
Les Solistes de Lyon, Bernard Tétu
Ajoutons sans réserve l’immense talent de Jacques Di Donato à la clarinette, et la grande sensibilité de Catherine Latzarus à l’orgue positif et à l’épinette.
Ce concert de clôture des « Voix du Prieuré », applaudi longuement par le public d’une église archi-pleine, montre à quel point la musique classique, lorsqu’elle est confiée à de grands, à de vrais professionnels, peut vivre et se développer, si l’on s’en donne la peine.
La petite commune du Bourget du Lac nous l’a prouvé. Espérons qu’ailleurs, elle sera imitée.