Le génial violoncelliste et chef d'orchestre russe Mstislav Rostropovitch fête, aujourd’hui, le 27 mars ses 80 ans au Kremlin.
Considéré comme le plus grand violoncelliste de la seconde moitié du XXe siècle, ce citoyen du monde, revenu en grâce dans son pays en 1990 après plus de 15 ans d'exil, a longtemps payé en Russie, son engagement contre le pouvoir soviétique.
Encore aujourd'hui, il suscite des sentiments controversés auprès de certains de ses compatriotes.
Fils de violoncelliste, Mstislav Leopoldovitch Rostropovitch naît le 27 mars 1927 à Bakou en Azerbaïdjan où il débute très tôt le piano avant d'aborder le violoncelle.
Son père, qui prit quelques leçons avec l'Espagnol Pablo Casals, dont Rostropovitch s'estimait le "petit-fils en violoncelle", l'encourage à rejoindre le Conservatoire de Moscou. Mstislav y étudiera à partir de 1943 l'orchestration auprès de Dmitri Chostakovitch, qui restera son maître.
Sa virtuosité s'impose rapidement. Il remporte de prestigieux concours à Moscou (1945), Prague (1947 et 1950) et Budapest (1949). Devenu une gloire nationale, il se voit récompensé, à l'âge de 23 ans seulement, de la plus haute distinction qui existe en URSS, le prix Staline.
Sa disgrâce sera aussi rapide que son ascension. En septembre 1970, il accueille chez lui avec son épouse, la soprano Galina Vichnevskaïa, l'écrivain dissident Alexandre Soljenitsyne, cible d'une campagne de dénigrement après avoir reçu un Prix Nobel, malade et sans ressources. Rostropovitch n'hésite pas à prendre parti pour lui dans une lettre au dirigeant soviétique Léonid Brejnev.
Cette lettre, envoyée aux journaux soviétiques pour prendre le parti de l'écrivain, ne sera jamais publiée par la presse officielle. "Je connais les oeuvres de Soljenitsyne, je les aime et je pense qu'il a souffert pour le droit d'écrire la vérité", écrit alors le musicien. "Ce que j'ai fait de mieux ce n'est pas la musique mais cette lettre à la "Pravda", depuis j'ai la conscience tranquille", estime aujourd'hui Rostropovitch.
Cette audace inédite mettra une croix sur la carrière du musicien en Union soviétique: il est écarté du théâtre Bolchoï, barré des tournées à l'étranger, banni des grands orchestres. Il conduit des orchestres de province mais ce travail "laisse un arrière-goût amer de frustration artistique", se souvient Galina Vichnevskaïa dans ses mémoires. Cela dure trois ans et demi.
Rostropovitch émigre à l'Ouest le 26 mai 1974 pour "raisons politiques". Quatre ans plus tard, le 15 mars 1978, il est déchu de la nationalité soviétique.
Quelques jours après la chute du Mur de Berlin, en novembre 1989, "Slava" joue du violoncelle au pied du mur. "Il y avait un public, mais j'ai joué pour moi-même (...) J'ai demandé à Dieu de réconcilier les deux parties de l'Europe et de mon coeur", se souvient-il dans une interview.
Réhabilité en 1990 grâce à Mikhaïl Gorbatchev, Rostropovitch revient en Russie avec l'orchestre symphonique de Washington, qu'il dirigea de 1977 à 1994. En 1991, il monte sur les barricades pour défendre la jeune démocratie russe contre les putschistes.
Ceux qui l'ont fréquenté, gardent de Rostropovitch l'image d'un bon vivant plein d'humour et doué pour les relations humaines.
Grand défenseur du patrimoine musical russe - Tchaïkovski, Moussorgski -, il est aussi un ardent serviteur de la musique de son temps. Bon nombre des plus grands compositeurs du XXe siècle comme Britten, Chostakovitch, Dutilleux, Lutoslawski, Prokofiev ont écrit pour ce violoncelliste d'une insatiable curiosité, qui a contribué à développer le répertoire de son instrument comme personne.
Partenaire de musique de chambre exquis en compagnie de Guilels, Horowitz, Menuhin ou Richter, Rostropovitch s'est aussi illustré comme chef d'orchestre et à l'opéra (dès 1967 au Bolchoï dans "Eugène Onéguine" de Tchaïkovski).
Il a aussi mis sa notoriété au service de grandes causes humanitaires: ambassadeur de bonne volonté de l'Unesco, il était devenu en 2006 "représentant spécial" du Programme des Nations-Unies sur le VIH-Sida (Onusida).
Il a créé avec sa femme une fondation consacrée à des programmes de santé pour les enfants de l'ex-URSS. Le couple a deux filles, Olga, violoncelliste, et Elena, pianiste.
Mstislav Rostropovitch