Pour le centenaire de la Fédération Nationale des Compagnies de Théâtre Amateur ont été présentées au Théâtre du Casino d'Aix-les Bains sept courtes pièces écrites pour l'occasion autour des sept péchés capitaux par des auteurs dramatiques dont la réputation n'est plus à faire. Un ensemble prestigieux pour une création amateur bien vivante qui se bat chaque jour pour exister aux côtés de son homologue professionnelle et pour faire reconnaître la qualité de son travail.
Petit tour d'horizon d'une création qui rassemble professionnels et amateurs autour d'une même envie : donner au public, encore et toujours, des moments, des textes et une scène à partager.
L'ouverture de cette création, le vendredi soir, donne à voir l'Orgueil. Celui de l'artiste de théâtre qui pense que seul son travail est indispensable. La pièce de Stéphanie TESSON nous dévoile des égos surdimensionnés qui s'entrechoquent et font voler en éclat le début de création qui aurait pu naître. Le texte est léger sans pour autant oublier d'être profondement lucide, le propos touche juste au centre d'un festival de théâtre où tout le plaisir vient de l'envie évidente, et ô combien réconfortante, qu'ont tous ces artistes de travailler ensemble pour le plateau et pour le public, avec la plus grande des générosités.
La Luxure vient ensuite sous la plume de Jean-Marie BESSET. Deux hommes se retrouvent après une longue séparation dûe à une attirance non-réciproque de l'un pour l'autre. La luxure tend ici vers la folie, approche l'oubli de soi et surtout des autres. Les errances de l'Homme confronté à ses désirs montent sur scène pour n'être jamais résolues, car décidement l'être humain n'est ni raisonnable ni sage. Et finalement le péché n'est peut-être pas où l'on pense, le problème n'est peut-être pas la Luxure mais la bêtise des hommes qui s'enfuient et délèguent pour ne pas avoir à se confronter ni à prendre de risques. Mais ce ne sont que des peut-être...
C'est la Colère qui suit, disloque, arrive sur scène. Tous les comédiens sont présents, s'animant en duo pour faire surgir ces moments d'éclats où l'être humain se laisse aller, si je puis m'exprimer ainsi, à ses démons. Et derrière la Colère souvent surgit l'émotion, un désarroi si profond qu'il ne peut-être caché que par les cris. Car ici ce qui fait naître la colère est souvent l'incapacité de réagir autrement face à des situations, des instants, ou des actes qui dépassent et submergent les protagonistes. La Colère ne serait finalement qu'une protection humaine contre le désespoir.
Et pour clore la soirée, la première partie de l'événement, Jean-Claude GRUMBERG nous initie à la Paresse. Et là... Franchement... Pas vraiment sûre de quoi vous dire... Plutôt envie d'aller dormir... Il semblerait que ce soit bon signe... Quelques phrases de la pièce, trop fatiguant de trouver soi-même les mots pour dire : " Je me suis réveillée un peu avant la fin du spectacle et là j'ai perçu un silence inouïe, profond, extrême. Je me suis tournée de tous côtés, tous les spectateurs dormaient, même ceux sur les strapontins. Et sur scène l'acteur lui-même s'était assoupi [...]". Rien de soporifique sur le plateau, mais une envie soudaine de se laisser aller à la paresse, même si c'est un péché....
Le samedi soir le public a pu découvrir les trois péchés qui lui manquaient ( ou pas, mais là n'est pas la question...). Pour la Gourmandise, Jean-Paul ALEGRE invite le diable à réfléchir sur ses résultats actuels et à se pencher sur l'avancée du "bio" et de la nourriture saine qui viennent contrecarrrer ses plans pour rendre les riches obèses et les pauvres encore plus malheureux. Car si la Gourmandise est un péché, elle n'en reste pas moins un plaisir qui rend hommage à la création. Tout cela devrait se régler entre Dieu et le Diable autour d'une bonne table, puisque après tout le bien et le mal " c'est quand même drôlement relatif, tu ne trouves pas?".
Mais pas le temps de s'attarder sur les estomacs qui commencent à gargouiller, L'Avarice s'empare du théâtre. Après une profusion de mots et de délectables évocations nous est donné à voir un être qui ne vit que pour son argent, quitte à en mourir. La pièce est drôle, très, même quand elle se termine par un meurtre l'absurdité des mobiles l'emporte sur la cruauté du geste. C'est dans le paroxysme que le péché cesse d'être lubie pour devenir inquiétant, alors autant en rire, la gorge un peu serrée, pour ne pas oublier que l'être humain dans sa folie devient trop facilement inhumain.
L'Envie enfin, celle qui fait tourner le monde quand elle se fait désir et l'étouffe quand elle devient jalousie ou pire, qu'elle disparaît. Car le constat de Jean-Michel RIBES est grave : l'Envie a disparue, l'Homme se contente de ce qu'il a et ne désire plus rien. Sans Envie l'Homme est voué à disparaître, car si on lui enlève un péché, que reste t'il de l'être humain ?
Peut-être une folle envie de continuer à vivre....
Ces deux soirées de théâtre ont une raisonnance commune, une Envie de partager avec Gourmandise, de se vautrer dans les mots comme dans la Luxure, de se laisser aller à fair éclater son Orgueil, à laisser parler la Colère afin de pouvoir, apaisé, se laisser alller à la Paresse, à la douceur d'être ensemble. Si l'un des péchés capitaux n'était pas présent ce fut bien l'Avarice, tenue loin, bien loin par des artistes généreux, un public convivial et chaleureux. Et pour conclure j'emprunterai quelques phrases à Stéphanir TESSON, car c'est toujours l'Orgueil qui finit par parler, nommant ici le théâte comme huitième péché capital:
"Jacques : Parce que c'est le lieu - ou l'art, si tu préfère - qui rassemble les septs autres.
[...]
Rex : A ce compte là, la vie aussi, c'est un péché.
Jacques : Oui, mais la vie, elle peut se passer de l'Homme. Le théâtre pas."
Et les rencontres de ces deux jours dédiés au théâtre amateur dans ce qu'il a de plus généreux, un théâtre de qualité qui refuse de laisser les contraintes prendre le pas sur le plaisir du partage avec le public, sont bien la preuve que si le Théâtre ne peut se passer de l'Homme, l'homme peut vivre un peu mieux, un peu moins seul, en allant au théâtre.
Sophie FOUGEROUSE