"La Savoie, terre de passage depuis des siècles, a fait de ses
Princes, les portiers des Alpes.
Il était logique qu’ils puissent fermer leurs «portes», qui
ouvraient l’une sur la Tarentaise par le petit St Bernard,
l’autre sur la Maurienne, par le col du Mont Cenis.
De tous temps, les vallées des pays de Savoie furent des lieux
de circulation des hommes et des marchandises. Comment
les contrôler, les surveiller, sinon par des ouvrages s’élevant
sur leurs rives ? Elles furent d’abord de simples mottes – les
mottes castrales – qui aujourd’hui nous paraissent bien
modestes, sans leurs fossés et leurs ceintures de bois, et
surtout sans les hommes qui les gardaient.
Leurs succèderont des architectures de pierres, châteaux
médiévaux, ou simples tours, carrées puis rondes, expressions
des connaissances défensives de l’époque, les matériaux ne
manquant pas dans les pays de montagne et de roche. Elles
conservent aujourd’hui encore, même en partie détruites,
une certaine allure, presque arrogante, propre à effrayer
l’ennemi éventuel.
En certains sites, ces défenses ont pris une importance
considérable, comme à Montmélian, où la disposition
naturelle de la roche, dominant l’Isère, avait permis la
réalisation d’une défense redoutable, proche du Dauphiné,
dont on peut juger de la puissance sur la maquette qui se
trouve à l’Hôtel des Invalides, et qui était destinée avec
d’autres maquettes, à l’instruction des jeunes princes
français.
Dominant le confluent de l’Isère et de l’Arc, une autre
réalisation ancienne attire toujours le regard, par sa superbe
de pierre, c’est la forteresse de Miolans.
Bien d’autres noms de places fortes, comme les glacis
de Briançon ou ceux des forteresses, comme celles de
Fenestrelle, d’Exilles, de Pignerol, de Suze, ont joué un rôle
important dans l’histoire et méritent toujours notre intérêt.
Au XIXème et au XXème siècles, de nombreuses fortifications
vont se développer, comme elles s’étaient déjà développées
lors des siècles précédents, tout au long de ce qui deviendra
la frontière franco italienne, du nord des Alpes à la
Méditerranée. Solidement bâties, fièrement campées en des
sites précieux, ces fortifications traduisant l’audace et
l’habileté des architectes militaires, sont impressionnantes
et attirantes, justifiant leur restauration, non plus à des fins
militaires, mais dans un but touristique, leur découverte
laissant le visiteur ébloui, comme au niveau de la barrière
de l’Esseillon.
L’histoire de ces défenses ne finit pas avec ces réalisations
qui datent de la première moitié du XIXème siècle, car au
XXème siècle, une ligne Maginot des Alpes s’est construite,
où se livrèrent d’ailleurs des combats lors du dernier conflit
européen.
Ce colloque ne concerne évidemment pas que les Pays de
Savoie, que j’ai beaucoup cités, mais toutes ces réalisations
très remarquables de l’ensemble des Alpes occidentales.
Certaines permettent en outre d’évoquer cet immense
ingénieur que fut Vauban, oubliant parfois qu’il fut
aussi une sorte de philosophe et de réformateur, dont les
réalisations militaires ont fait l’admiration unanime, mais
qui malheureusement ne réussit pas à convaincre de la
qualité de ses propositions économiques… dont quelques
unes auraient pu supprimer certaines des causes de la
révolution française.
Je souhaite aussi insister sur le rôle que la Facim tient
en Savoie depuis des décennies, ayant choisi entre autres
thèmes, de mettre en valeur ces fortifications, pour réaliser
de véritables circuits touristiques, l’intérêt des ouvrages
étant renforcé par la beauté des sites où ils sont implantés,
car c’est précisément dans des lieux où la nature est
exceptionnelle, que les hommes ont choisi de réaliser les
constructions les plus hardies.
Je dois enco
e rappeler que ce colloque a été réalisé avec
la collaboration de la revue L’Alpe, qui édite un numéro
spécial consacré à ces pierres fortes, auxquelles le «béton»
sera plus tard préféré.
La connaissance de ces ouvrages qui jalonnent les Alpes,
permet de mieux comprendre comment s’est faite notre
histoire, et sur quoi s’est appuyé le dessin des frontières de
la France, donc de son identité, sujet d’une autre actualité.
Patrimoine architectural, historique, touristique, culturel,
ces forts et fortifications appartiennent aussi à l’Europe
d’aujourd’hui."
Dr André GILBERTAS
Président de Montanea